Parallèlement au style rock’n’roll va émerger et prospérer, grâce notamment à Europe I, le courant yé-yé.
C’est la première radio à concéder un espace musical à la génération de jeunes et elle créa un nouveau langage radio en lançant, le 19 octobre 1959, l’émission Salut les Copains.
L’idée de son directeur Lucien Morisse était de passer un maximum de disques correspondant au goût supposé des 12-20 ans : les chanteurs français et des rockers américains. Le ton radiophonique est décontracté, on s’appelle par son prénom et on se tutoie. On met l’accent sur les nouveaux noms qui émergent sur la scène nationale et l’on peaufine son style : on invente le concept de l’indicatif et du mini-indicatif, que l’on appelle désormais jingle ; on crée des rubriques (Le chouchou de la semaine, le musée, le banc d’essai, etc.) et l’on ajuste aussi la publicité au goût des auditeurs. Le temps de roder la formule et de procéder à l’ultime fignolage, l’approbation populaire est limpide : jusqu’à 40 000 lettres d’auditeurs par semaine.
La géniale intuition des animateurs de la station ne repose pas sur de grandes analyses sociologiques ou des sondages d’opinion médiamétriques, mais sur l’observation toute simple des réactions du jeune public face des artistes tels que Gilbert Bécaud, Paul Anka, the Platters ou les rockers Elvis Presley et Bill haley.
Le 15 juin 1962, Daniel Filipacchi lance Salut les Copains, l’hebdo de liaison miroir de l’émission de radio, 72 pages et présentation sommaire de toutes les vedettes programmées sur Europe 1.
En couverture, Johnny et à l’intérieur « huit pages couleur sur Sylvie (Vartan) », « Pour ou contre Vince Taylor ? », « Les paroles de vos chansons préférées », « Tout, tout, tout sur Françoise Hardy ». Quelques mois après le lancement, le tirage atteint déjà le million d’exemplaires.
C’est l’époque des « idoles des jeunes ». Avant d’imiter les yé-yés, on ironisa beaucoup sur eux, sans doute parce que le désir d’être accepté les avait conduits à bêtifier, à jouer le conformisme et la sagesse. Ce mouvement a produit et engendré des artistes – dont certains sont oubliés – qui ont su maintenir leur personnage et interpréter des chansons riches.
Le bilan de cette période, qui couvrit la décennie est loin d’être négligeable :
Frank Alamo

Franck Alamo et sa Biche
oh ma biche :
Biche, ô ma biche, lorsque tu soulignes
Au crayon noir tes jolis yeux
Biche, ô ma biche, moi je m’imagine
Que ce sont deux papillons bleus…
Claude François

Claude François avec Belles Belles Belles
Un jour mon père me dit: fiston
J’te vois sortir le soir
A ton âge il y a des choses
Qu’un garçon doit savoir
Les filles, tu sais, méfie-toi
C’est pas c’que tu crois
Elles sont toutes
Belles belles belles comme le jour
Belles belles belles comme l’amour…

(Girls, Girls, Girls)Made To Love
À l’automne 1962, Claude François signe avec cette chanson son premier grand succès en France (plus de 1,7 millions d’exemplaires vendus). C’est une adaptation de Girls Girls Girls, interprétée par Made to Love, composé par Phil Everly. Le 45-tours passera deux fois par jour dans l’émission Salut les Copains tout au long de la semaine de sa sortie.
Claude François vit sa carrière lancée en effectuant des reprises de tubes américains.
Écrite par Serge Gainsbourg en 1965, la chanson propulse la jeune France Gall sur les devants de la scène. C’est avec ce tube, que la chanteuse au look très sage remporte le concours de l’Eurovision la même année, alors qu’elle représentait le Luxembourg.
France Gall

France Gall, Poupée de cire poupée de son
Je suis une poupée de cire Une poupée de son
Mon cœur est gravé dans mes chansons
Poupée de cire poupée de son
Suis-je meilleur suis-je pire
Qu’une poupée de salon
Je vois la vie en rose bonbon
Poupée de cire poupée de son
Le 22 juin 1963, la chanteuse participe avec Johnny Hallyday et sa bande de copains au concert place de la Nation à Paris, organisé par Europe 1 pour le premier anniversaire de Salut les copains. Un événement qui les place en haut de l’affiche.
Sylvie Vartan
L’année suivante, Sylvie Vartan sort La plus Belle pour aller Danser, qui deviendra un des tubes incontournables de cette époque.

Sylvie Vartan se fait La plus Belle pour aller Danser
Ce soir, je serai la plus belle Pour aller danser Danser
Pour mieux évincer toutes celles
Que tu as aimées
Aimées
Ce soir je serai la plus tendre
Quand tu me diras
Diras
Tous les mots que je veux entendre
Murmurés par toi
Par toi
Johnny Hallyday
L’inoxydable chanteur a traversé plusieurs époques et plusieurs courants musicaux. Dans les années 1960, il fait ses premiers pas sur scène et se fait remarquer du grand public avec son premier disque, Viens danser le twist, la reprise française de Let’s Twist Again. Le 20 septembre 1961, l’Idole des jeunes enflammera l’Olympia de Paris avec cette chanson, avec laquelle il lance le mouvement twist :

Johnny Hallyday, Viens danser le twist
Rythme le twist
Donne-moi la main, là
Tu t’y prends bien
Continue comme ça
Un tour autour de moi
Balance encore tes bras
Bien sûr mon cœur
Il rythme le twist
Richard Anthony
Son succès J’entends Siffler le Train, sorti en 1962, est l’adaptation de 500 Miles de Hedy West. À l’époque, Richard Anthony est une véritable machine à tubes, chaque morceau qu’il sort bondit en tête des ventes.

Richard Anthony, J’entends Siffler le Train
J´ai pensé qu´il valait mieux
Nous quitter sans un adieu.
Je n´aurais pas eu le cœur de te revoir…
Mais j´entends siffler le train,
Mais j´entends siffler le train,
Que c´est triste un train qui siffle dans le soir…
Françoise Hardy
En 1962, Françoise Hardy interprète ce morceau lors de l’intermède musical de la soirée des élections présidentielles. Ce soir-là, de nombreux téléspectateurs, devant la TV, découvrent la jeune chanteuse tout juste âgée de 18 ans. Le lendemain de son passage, le titre envahit les ondes. Le morceau, qu’elle a elle-même composé, raconte les sentiments d’une jeune personne qui n’a jamais connu l’amour.
Françoise Hardy, Tous les Garçons et les Filles
Tous les garçons et les filles de mon âge
Se promènent dans la rue deux par deux
Tous les garçons et les filles de mon âge
Savent bien ce que c’est qu’être heureux
Et les yeux dans les yeux et la main dans la main
Ils s’en vont amoureux sans peur du lendemain
Oui, mais moi, je vais seule par les rues, l’âme en peine
Oui, mais moi, je vais seule, car personne ne m’aime
Nino Ferrer

Nino Ferrer, Mirza
Z’avez pas vu Mirza ? Oh la la la la la la
Z’avez pas vu Mirza ? Oh la la la la la la
Z’avez pas vu Mirza ? Oh la la la la la la
Où est donc passé ce chien
Je le cherche partout
Où est donc passé ce chien
Il va me rendre fou
Ferrer a bâti sa réputation avec des chansons loufoques et entraînantes, qui lui ont valu d’être qualifié de « chanteur rigolo ». Mirza, sorti en 1966, est son plus grand tube, avec aussi Le Téléphon :

Le Téléphon
Gaston y a l’téléphon qui son’
Et y a jamais personne qui y répond
Gaston y a l’téléphon qui son’
Et y a jamais personne qui y répond
avant de lancer quelques années de belles et grandes chansons comme « Le Sud » :

Le Sud
C’est un endroit qui ressemble à la Louisiane
À l’Italie
Il y a du linge étendu sur la terrasse
Et c’est joli
On dirait le Sud
Le temps dure longtemps
Et la vie sûrement
Plus d’un million d’années
Et toujours en été.
Eddy Mitchell
Le morceau envahit toutes les « surprises-parties ». Avant de se lancer dans une carrière solo, le jeune Eddy Mitchell est la voix emblématique des Chaussettes noires. Daniela est l’un de leurs plus grands succès.

Eddy Mitchell et Les Chaussettes noires, Daniela
Oh Daniela la vie n’est qu’un jeu pour toi
Oh Daniela pourtant ne croit pas
Que tu peux oh Daniela jouer avec l’amour
Sans risquer de te brûler un jour
Salvatore Adamo
Il est apparu au plus fort de la vague yé-yé ; présentation soignée, costume-cravate, il poussera, de sa voix androgyne, ses chansons décalées et un peu démodées. Son air doux colle parfaitement à la vision « province » ou « petite ville belge » qui se dégage de ses premières chansons (Vous permettez Monsieur, Mes mains sur tes hanches).
Vous permettez Monsieur, sorti en 1964, est l’un des morceaux incontournables du chanteur. Cette chanson entraînante est une demande en mariage formulée avec beaucoup d’humour.

Salvatore Adamo
Vous permettez, Monsieur,
Que j’emprunte votre fille ?
Et, bien qu’il me sourie,
Moi, je sens qu’il se méfie.
Vous permettez, Monsieur ?
Nous promettons d’être sages
Comme vous l’étiez à notre âge
Juste avant le mariage…
Jacques Dutronc

Jacques Dutronc, Et moi, Et moi, Et moi
Sept cents millions de Chinois
Et moi, et moi, et moi
Avec ma vie, mon petit chez-moi
Mon mal de tête, mon point au foie
J’y pense et puis j’oublie
C’est la vie, c’est la vie
Cinq cents milliards de petits martiens
Et moi, et moi, et moi
Comme un con de parisien
J’attends mon chèque de fin de mois
J’y pense et puis j’oublie
C’est la vie, c’est la vie
(A. Jacques Lanzmann, C. Jacques Dutronc)
Antoine
Cette chanson est le grand tube de l’été 1966. Avec ce morceau, Dutronc, à l’époque guitariste, fait ses premiers pas en tant que chanteur et impose très rapidement son style musical. Et moi, Et moi, Et moi est une satire du mode de vie des petits-bourgeois. Il imposa aussi Les Cactus, toujours en 1966, J’aime les Filles en 1 967, puis encore quelques tubes, Il est cinq heures Paris s’éveille, en 1968 et L’hôtesse de l’Air en 1969.

Antoine et ses Élucubrations
Oh, Yeah !
Ma mère m’a dit : « Antoine, fais-toi couper les ch’veux »
Je lui ai dit : « ma mère, dans vingt ans si tu veux
Je ne les garde pas pour me faire remarquer
Ni parce que je trouve ça beau
Mais parce que ça me plaît ».
Christophe
Avec J’entends Siffler le Train de Richard Anthony, cette ballade est l’un des slows de l’été 1965. Le désespoir jaillissant de Christophe, dans cette chanson dont il est l’auteur, « Et j’ai pleuré, pleuré, oh ! j’avais trop de peine », marque les esprits de toutes les jeunes filles de l’époque.

Christophe, Aline
J’avais dessiné sur le sable
Son doux visage qui me souriait
Puis il a plu sur cette plage
Dans cet orage, elle a disparu
Et j’ai crié, crié : « Aline ! », pour qu’elle revienne
Et j’ai pleuré, pleuré, oh ! j’avais trop de peine
Sheila

Sheila, L’école est Finie
Donne-moi ta main et prends la mienne
La cloche a sonné ça signifie
La rue est à nous que la joie vienne
Mais oui, Mais oui l’école est finie
Michel Polnareff
Distribuée en 1963, cette chanson aux paroles et à la mélodie enfantines et candides, est le plus grand succès de la chanteuse. À l’époque, le disque se vend à près de 700 000 exemplaires et se place numéro 1 des ventes pendant plus de quatre mois.

En 1966, l’ACI Michel Polnareff sort La Poupée qui fait Non.
C’est une poupée qui fait non… non… non… non…
Toute la journée elle fait non… non… non… non…
Elle est… elle est tell’ment jolie
Que j’en rêve la nuit.
C’est une poupée qui fait non… non… non… non…
Toute la journée, elle fait non… non… non… Non…
Personne ne lui a jamais appris
Qu’on pouvait dire oui !
Non… non… non… non…
Non… non… non… non…
(A. Franck Gérald, C. Michel Polnareff)
Ce sera le début d’une carrière distinguée par de nombreux tubes : Love me Please love me, Le Bal des laze, Tous les bateaux tous les Oiseaux, Lettres à France, Goodbye Marilou…
Citons aussi, pêle-mêle :
Danny Boy et ses Pénitents, Danyel Gérard, Dick Rivers, Les Chats Sauvages, Frankie Jordan, Guy Mardel, Hugues Aufray, Hervé Vilard, Jean-Jacques Debout, Les Sultans, Les Surfs, Lucky Blondo, Michel Berger à ses tout débuts, Michèle Torr, Patricia Carli, Petula Clark, Ronnie Bird, etc. La liste est longue !
Article issu du Volume V, TRAITE DE L’ARRANGEMENT, I. Jullien & J-L. Cataldo
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