La création musicale s’appuie sur l’héritage des Anciens.
On est forcément inspiré par ce qui a existé avant soi.

Le cancre Beethoven puni après avoir été surpris en train de copier le style musical du gentil Mozart.

Logo des Rolling Stones.
Le jeune compositeur imitera son modèle, ce qui fait partie de la fin du cycle du processus d’apprentissage ; le 1er concerto pour piano du petit Beethoven ressemble à du Mozart. Mais comme Ludwig était doué, il a tout de même réussi à se distinguer avec son propre langage musical.

Logo piment rouge.
Ils ont su s’en inspirer et façonner un style original.
Constatation n° 1 : Beethoven et les Rolling Stones ont pu s’échapper de leurs influences premières pour créer leur propre signature musicale.

Logo Mozart l’Opéra Rock.
Quand le marketing s’en mêle, on peut créer de toute pièce un univers hybride de pseudo hommage/influences. C’est le cas, par exemple, avec l’opéra rock MOZART. Ce n’est pas du Mozart. Ce n’est pas du rock. Cela ressemble à une soupe de légumes mal mixée.
On se sert d’un nom célèbre (le Divin Mozart), mais on n’utilise (presque) aucune musique du compositeur, pensez-vous il ne faut pas éduquer le bon public. On lance Google en recherchant « compositeur célèbre » et déterminer quel est, statistiquement, le nom qui revient le plus souvent, donc celui que tout le monde connaît. Dans ce cas Mozart. Je ne parle pas de sa musique, le public s’en fout. Je fais référence à son nom. On décide de pondre un opéra moderne appelé Comédie Musicale. Elle porte bien son nom. Comédie. On joue la comédie au public en faisant semblant de l’éduquer (bis : Ah, Mozart, le Divin Mozart…). On poudre et on perruque les acteurs pour faire croire qu’on est revenu au 18e siècle (sauf qu’ici, on se demande encore pourquoi les artistes ont un look gothique).

Basse d’Alberti à la main gauche.
On raconte une histoire avec des paroles qui collent plus ou moins bien (accrochez-vous, messieurs le paroliers, votre procès aura bientôt lieu dans un prochain chapitre) et on saupoudre les intros avec quelques mesures de pseudo Mozart jouées sur un pseudo clavecin où un claviériste se délecte à jouer les basses d’Alberti.
Attention, tout n’est pas dit dans le titre : MOZART, l’opéra Rock. On a bien pris soin de rajouter « rock », cela fait plus moderne, sinon, personne n’aurait pris le risque de se déplacer pour entendre un concert de clavecin (car si l’on ne précise pas, qu’est ce qui nous dit que cela n’aurait pas été cela ?)

Clavecin.
Ceci dit, ce n’est pas stupide, car je ne connais personne, dans le public dédié à la musique classique, qui ferait le déplacement pour écouter un concert de clavecin.
Cet instrument est complètement dépassé et marque aussi bien son époque qu’un vieux film de cinémathèque en noir et blanc. On peut affirmer sans peine que le piano est au clavecin ce que les films en 3D sont aux films muets. Le seul avantage qui le distingue du piano, c’est qu’il est facilement transportable par deux personnes. Mais cessons les comparaisons, le clavecin et son répertoire n’intéressent plus personne depuis le début du 19e siècle, et ce n’est pas le « renouveau » dont il a été l’objet de la part de quelques excentriques nostalgiques qui nous fera changer d’avis.
Et puis quel renouveau ? Strawinsky l’a-t-il utilisé pour le sacre du printemps en 1913 ? (celui-là, je me le réserve pour plus tard ). Gershwin pour assurer la basse continue dans son Musical Porgy and Bess ? Non.
Le froid Webern pour développer une série ?

Le froid Webern.
Pas plus.
Donc, le sujet est clos. Je peux donc sans remord revenir achever Mozart ou plutôt son opéra Rock. On vient de voir que notre équipe de professionnels a soigneusement évité d’utiliser la musique de Mozart et ses mélodies autrement plus inspirées que celles qu’on nous a servi dans l’opéra Rock.
Le rock ? Parlons-en.
Il ne s’en trouve pas plus, même si nos faiseurs ont utilisé la fameuse et irremplacable guitare électrique.
Mais la guitare électrique ne fait pas le rock et Mick Jagger (encore un à qui je réserve quelques surprises lors d’un prochain billet) a dû se retourner dans sa tombe (Père-Lachaise 6e division, à moins que ce ne soit Jim Morrison, je ne sais plus très bien…) en entendant Mozart, l’Opéra Rock.
Etant peu cultivé musicalement, quand j’ai vu les affiches, je pensais d’ailleurs que Mozart avait effectivement composé un opéra Rock, mais allant fouiner sur Internet, la bible de la juste information (vous pensez, ma bonne dame, je l’ai (cochez la bonne case : ☑️ vu à la tv / ☑️ trouvé sur internet,) j’ai pu constater, non sans une extrême surprise mêlée de curiosité, que l’oeuvre était neuve, et pas de Mozart.
Qu’importe, le public a adoré et c’est bien là l’essentiel.

Siège de la SACEM en 1851.
La SACEM s’est frotté les mains car les oeuvres originales rapportent plus que celles tombées dans le domaine public.

Siège de la SACEM après quelques travaux de rénovation.
Sympathique organisme percepteur des droits de la musique, elle s’y entend bien pour compliquer les histoires de droits d’auteur, c’est encore pire que de comparer des offres d’opérateurs téléphoniques. Le droit d’auteur a été initié par l’auteur-inventeur-espion-éditeur-homme d’affaires Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (un pote à Morrison du Père-Lachaise, division 28). C’était donc en 1791. Plus tard en 1847, l’auteur Ernest Bourget, sirotant une limonade dans un café, se fit remettre une note salée, qui comprenait le droit d’avoir écouté un orchestre jouer sa chanson. L’homme furieux refusa tout net de payer le supplément, se rendit au tribunal et le limonadier fut condamné. A partir de cette anecdote se forgea une jurisprudence qui allait bien servir la SACEM.
Avec elle, tous les diffuseurs, petits ou gros, n’ont qu’à bien se tenir : 75 euros par an pour les coiffeurs (Tarif spécial grâce au gentil Mozart, qui leur a écrit l’opéra FIGARO) ; 4,23% des recettes pour les discothèques ; 8,20% pour les associations loi 1901 (qui ne sont pas gérées par des méchants, ce qui explique que les plus gros chiffres paient en proportion moins). Même les particuliers paient : redevances pour copie privée sur les supports.

Monsieur Gainsbourg et Mademoiselle Jane.
Cerise sur le gâteau, si vous utilisez un morceau du domaine public, par exemple le prélude op.28 en mi mineur du regretté Frédéric, et que vous lui colliez des paroles neuves (J’ai une bine d’Anglaise, de sexe féminin, nous dit J. Birkin), eh bien Gainsbourg (maintenant ses héritiers le brave Lulu et la petite Charlotte) touchera des droits sur les paroles. Et pour la musique alors, c’est gratuit ? Pas vraiment puisque la Sacem en récupérera au passage les droits.
Pour conclure, sachez que vous n’êtes pas obligés d’adhérer à la Sacem, mais il vous faudra alors prendre votre bâton de pèlerin pour aller faire le tour des discothèques et des places de village pour récupérer vos droits. Bon courage !
Il existe bien les licenses creative commons, mais cela fera l’objet d’un prochain billet.
Soyez le premier à commenter !